Zoland : chapitre 12

Publié le par Lou

Nous pûmes alors, à notre grand soulagement, rejoindre notre dortoir après avoir avalé un petit déjeuner.

Je fus appelée dans l'après-midi, alors que les garçons s'étaient regroupés et surfaient tous sur leur portable, se montrant l'affichage de leur écran d'un air excité toutes les trente secondes.

L'écran encastré dans ma table de chevet se mit à clignoter et afficha : "FIONA S. ATTENDU - BUREAU ENTRAÎNEUR". Je grimaçai en voyant la faute d'accord à "attendu" ; évidemment, le logiciel n'avait pas été prévu pour des filles, et n'avait pas été modifié pour une seule élève. Je pressai l'écran couvert de rayures sur le "OK" qui s'était affiché, posai mon livre sur la table et me redressai en soupirant. Je repoussai nonchalamment la couverture, pivotai et laissai balancer mes pieds au-dessus du plancher. D'un rapide mouvement, je me propulsai vers le bord du lit et enfonçai les pieds dans mes baskets parfaitement positionnées. Depuis le début de ma formation, j'avais pris mes petites habitudes.

J'attrapai un gilet, me levai et commençai à marcher tout en l'enfilant. Lorsque j'ouvris la porte, une trentaine de paires d'yeux se tourna vers moi, mais je les ignorai et refermai derrière moi. Je dévalai les escaliers et hésitai une fraction de seconde entre le couloir de droite et celui de gauche, puis continuai tout droit et sortis en me souvenant que le bureau de l'entraîneur était dans un autre bâtiment.

J'y arrivai, m'arrêtai devant la porte vitrée et frappai quelques coups. L'absence de réaction me fit remarquer, à ma plus grande honte, que ma timidité avait pris le dessus et que j'avais frappé si doucement que mes coups avaient été inaudibles. Je frappai de nouveau, et vis un mouvement à travers la vitre fumée. La porte s'ouvrit et mon entraîneur apparut ; il avait l'air soucieux. D'un signe, il m'invita à entrer et à m'asseoir en face du bureau. Je me sentais étrangement mal à l'aise, et mon esprit revenait sans cesse au souvenir de la conversation au sujet des directives du gouvernement que j'avais espionnée. Une crainte poignit en moi : m'avait-il remarquée, ce jour là ? J'étais tellement plongée dans mes pensées que je sursautai lorsqu'il prit la parole :

“Fiona, tu n’es pas sans savoir que tes résultats sont excellents.

Je rougis et ne pus articuler quoi que ce soit.

- Je dirais même, exceptionnels.

Je sentis le rouge s’accentuer sur mes joues. Pourquoi diable commençait-il à vanter mes résultats ?

- Des résultats comme ça ne passent pas inaperçus. Le gouvernement a beau vouloir de meilleurs Chasseurs, il ne veut pas d’éléments trop doués.

- Comment ça ?

- Je suppose que tu as eu vent des nouvelles directives… ils exigent que les entraînements et les sélections augmentent drastiquement leur niveau.

Je commençai à paniquer, tout en essayant de rester impassible ; mais devant ce regard profond qui donnait l’impression de sonder jusqu’aux moindres pensées des gens, je sentais que cela serait inutile. Personne n’était censé être au courant, il ne pouvait pas supposer que nous aurions appris quelque chose à ce sujet !

- Cependant, tu sors trop du lot, et cela ne fera que t’attirer que des ennuis.

Je restai sans voix. Ainsi, j’aurais mieux fait de ne pas faire tous ces efforts ?

- M’attirer des ennuis… dans quel sens ?

- Tu es assez forte pour tenir tête à tes supérieurs, donc potentiellement un danger pour la discipline, l’ordre… Tu as un potentiel formidable, mais, pour ton bien, je te demande de ne pas le mettre au service des Chasseurs.

Je le regardai fixement pendant de longues secondes, perplexe, puis baissai la tête. Alors comme ça, j’avais fait tous ces efforts pour rien ? Tout était inutile, depuis le début ? Je ne pouvais pas le croire. Quitter ma famille, supporter d’abord les railleries des garçons, puis la difficulté sans cesse croissante des entraînements avait été si difficile que je ne supportai pas l’idée que tout ceci ait été fait sans but. Je sentis de l’eau salée sur mes lèvres, et mis du temps à comprendre d’où elle venait tant j’étais troublée. Je sentais le regard de mon entraîneur, et eus honte de m’être laissée aller ainsi. Mes pleurs redoublèrent soudain ; qu’allais-je faire ? J’avais confié mon avenir aux Chasseurs, il m’avait toujours paru très clair que je ferais partie de cette élite, et maintenant que tout ce rêve se détruisait en quelques secondes, j’étais perdue, dans l’incapacité de réfléchir à quoi que ce soit. Je tentais d’essuyer mes larmes, encore secouée par les sanglots. Le besoin irrésistible de revoir ma famille me prit alors ; après tout, je n’avais plus rien à faire ici. Je relevai péniblement la tête, regardai mon entraîneur et déclarai le plus fermement possible, malgré les bégaiements qui me prenaient à cause des sanglots :

« Dans ce cas, je n’ai plus rien à faire ici. Merci pour tout.

- Quand comptes-tu partir ? demanda mon entraîneur.

- Je… Je vais contacter ma famille. Je vous le dirai quand j’aurais leur réponse. Je ne voudrais pas les embarrasser.

- Très bien. »

Je vagabondai dehors avant de rentrer au dortoir, le temps que mes yeux cessent d'être si rouges. Je ne voulais surtout pas qu’on me pose des questions. Je partirais incognito, comme j’étais arrivée.

Publié dans littérature, séries, Zoland

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