Zoland : chapitre 11

Publié le par Lou

 

Maz courait vite. Trop vite. J’étais traînée derrière elle et je haletais bruyamment, mais elle ne le remarquait pas. La situation était bien trop urgente et grave pour que l’on se préoccupe de mon endurance, mais, sur le moment, j’en voulais à Maz de ne pas prêter un peu plus attention à mon confort. Elle emprunta un chemin que je connaissais bien, et je sus aussitôt où elle voulait me mener. Miamantasa me l’avait dit ; après sa mort, je devrais lire la suite du livre “Races de Zos puissantes et méconnues” et en deviendrai la détentrice. Nous tournâmes dans une rue, et la bibliothèque apparut au loin ; un bâtiment moderne qui se dressait fièrement, tout le contraire de moi à ce moment là. Il détonnait tant avec ma situation que j’en eus mal à la tête. Ce bâtiment avait accompagné ma vie de Zo normale, et il l’accompagnerait toujours, mais ses sous-sols seraient le symbole de ma double vie, ma vie en tant que Quatre.

Comme Maz s’arrêtait, je lui posai une question :

“Vais-je rencontrer les autres Quatre ?

  • Non, répondit-elle, coupant court à la conversation.

Elle se remit à marcher. Je tentai de relancer le dialogue :

“Maz, comment vais-je faire ? Comment justifier mes sorties seule, dans des endroits inconnus ? Comment…

  • C’est très simple ; je serai l’étudiante en psychologie qui t’a amenée ici et qui doit assurer ton suivi. Comme tu vas très bien, je rassurerai ta famille d’accueil en disant que c’est juste du dialogue, mais que c’est important et que l’on fait ça pour tous les nouveaux. Il y aura des séances régulières (environ deux fois par mois) et les imprévus seront justifiés par des rencontres avec d’autres nouveaux pour parler d’intégration. D’autres questions ?”

J’aurais bien voulu éviter le silence qui suivrait ses paroles, mais je n’avais plus de question. La situation était on ne peut plus claire, et mes inquiétudes si normales que je n’avais même pas besoin de lui en faire part. Comme je ne répondais pas, Maz se remit à marcher en direction de la bibliothèque.

 

Nous entrâmes par l’entrée de service que j’avais déjà empruntée pour lire une partie de “Races de Zos puissantes et méconnues”. Nous débouchâmes dans les archives plongées dans le noir le plus complet. La bibliothèque n’avait pas encore remplacé Miamantasa, et c’était tant mieux. Comment accéder à l’ouvrage ancien si un autre Zo le gardait ? Et comment garantir qu’il serait en sécurité ?

“Noèm, sais-tu d’où Miamantasa avait sorti le livre pour te le montrer ? m’interpela Maz.

  • Eh bien… euh… non.

  • Dans ce cas, il va nous falloir fouiller ces archives pour le retrouver.

  • Mais, Maz, nous n’allons tout de même pas le…

  • Le voler ? me coupa-t-elle. Que veux-tu faire d’autre ? Tu es trop jeune pour être embauchée aux archives, c’est le seul moyen que tu gardes cet ouvrage.

  • Mais, on va nous rechercher ! Je ne veux pas en plus être une hors-la-loi !

  • La bibliothèque n’avait même pas connaissance de l’existence de cet antique bouquin ! Il n’est pas sur l’inventaire des archives !

  • Détrompe-toi, je l’y ai vu, la première fois que je suis venue.

  • Quoi ?! Miamantasa n’avait pas pensé à l’effacer ?

  • Pas à ma connaissance, en tout cas.

  • Nous n’avons pas le choix. Trouve le registre et efface le titre de ce livre. Personne ne doit se rendre compte de sa disparition. Je m’occupe de le chercher.”

Je fouillai l’ancien bureau de Miamantasa jusqu’à ce que je trouve l’énorme cahier dont le papier était si usé qu’il ressemblait à du parchemin. Je l’ouvris. Il était couvert de titres de livres et de noms d’auteurs écrits à l’encre bleue, et s’y repérer aurait demandé une formation spécialisée de plusieurs mois. Je trouvai tant bien que mal la lettre R et le titre de l’ouvrage recherché, et commençai à gratter l’encre tout en faisant très attention à ne pas percer le papier, tâche ardue au vu de son épaisseur.

Pendant ce temps, Maz fouinait dans les archives et remuait tout de fond en comble. Elle trouva le livre au bout d’une demi-heure et passa encore dix minutes à tout ranger comme si de rien n’était. Pour ma part, je remis le registre à sa place et contemplai la couverture de l’ouvrage ancien, terrorisée à l’idée de l’ouvrir et de découvrir les mille secrets qu’il devait contenir. Nous partîmes comme des voleuses, encombrées par l’imposant volume, Maz ayant oublié de prendre un sac. Dans la rue, notre situation paraîtrait à coup sûr très louche.

Au moment de sortir de la bibliothèque, je sentis le livre s’alléger dans mes bras. Je sursautai en découvrant ce que je tenais. Un livre de poche moderne, tout ce qu’il y a de plus banal ! Où était le livre tant recherché ?

Maz se retourna et ouvrit de grands yeux. Personne ne nous avait pourtant suivi, elle vérifiait en permanence ! C’est alors que ses yeux retrouvèrent leur taille normale et qu’un large sourire apparut sur son visage soudain rayonnant.

“Oh, Noèm ! Ton pouvoir !”

Je ne comprenais rien à rien. Je n’avais pas encore de pouvoir !

“Noèm, ton pouvoir, c’est… Tu peux métamorphoser les objets ! Peut-être, qui sait, les êtres vivants ! C’est époustouflant !”

Je bondis. Mon pouvoir se serait enfin éveillé ? Un grand bonheur m’envahit, et je contemplai le livre de poche que je tenais. D’instinct, je le regardai intensément et ressentis des picotements à l’arrière des yeux. Tout mon esprit était en effervescence. Je me sentis presque léviter de bonheur, comme le faisait la prof de géographie quand elle rendait un très bon devoir. Le volume retrouva son apparence et son poids normaux, et je faillis le lâcher.  Alors je le fixai une nouvelle fois, ressentis de nouveau les picotements, et je me retrouvai avec un hamster qui me courait sur le bras. Il sauta au sol et se mit à courir. Sans hésiter, Maz et moi nous mîmes à le poursuivre. Avec sa vitesse phénoménale, Maz eut tôt fait de le rattraper, mais quand elle me le remit dans les mains pour que je lui redonne l’apparence d’un livre, rien ne se passa. Pas de picotements, pas de sensation étrange, rien. Plus de pouvoir. Maz m’encouragea, en vain. Le hamster ne cessait pas de s’agiter dans mes mains. Des larmes coulèrent sur mes joues. Nous avions perdu, par ma seule faute, le livre probablement le plus important du monde !

Maz posa une main sur mon épaule, et me chuchota :

“Peut-être n’est-ce que la fatigue. La première fois que j’ai couru à grande vitesse, je me suis épuisée au bout de dix secondes et n’ai pu courir de nouveau que trois jours après ! Les premières utilisations de pouvoir sont éprouvantes, Noèm, espérons que ce n’est que ça.

Je prendrai le hamster à la maison, n’aie pas d’inquiétude. Tu devrais rentrer chez toi, maintenant. Ne pense plus à tout ça, tu liras plus tard, rien ne te presse. À bientôt !”

Je n’eus pas la force de répondre, j’étais effondrée par ce qui venait de se passer. Ce que Maz avait pu dire ne m’avait pas rassurée, je pensais être la cause de la perte du livre.

 

À suivre...

Publié dans littérature, séries, Zoland

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