Zoland : chapitre 16

Publié le par Lou

Le voyage en car fut long, j'étais gagnée par l'humeur maussade générale et avais l'impression d'avoir raté ma vie en quittant la formation de Chasseresse. J'arrivai dans la ville la plus proche de mon village natal, mais il me restait encore un long chemin à parcourir. Tout d'abord, je devrais longer la route de montagne jusqu'au village, ce qui me prendrait presque deux jours, puis je suivrais le petit chemin de randonnée qui menait à la ferme familiale. Je n'avais même pas hâte de retrouver mes proches, j'avais l'impression de décevoir tous leurs espoirs, de trahir tous ceux qui avaient cru en moi.

Le temps se gâtait, cela n'augurait rien de bon ; je craignais surtout pour la dernière partie du trajet, où je ne pourrais pas me protéger contre les orages. Des nuages noirs s'amoncelaient au-dessus de la montagne. Le tonnerre grondait sourdement au loin, je ne savais pas combien de temps il me restait avant l'orage. Aucune voiture n'empruntait cette route, qui ne desservait que mon village et quelques maisons isolées, aussi n'avais-je pas intérêt à faire du stop. Le ciel sombre rendait toute la campagne triste ; et, au fur et  mesure de mon ascension, le paysage se faisait de plus en plus aride et les quelques buissons épineux qui résistaient au vent à cette altitude laissaient tomber leurs branches basses au sol d'un air las ; je n'eus pas l'idée de chercher les nids d'oiseaux dissimulés, n'en entendant aucun piailler. Les nuages épais ne me laissaient pas même entrevoir le soleil. Le désespoir avait-il donc conquis les montagnes aussi ?

Je m'abritai pour la nuit sous un rocher recourbé, le tonnerre se rapprochant toujours. Un vent froid soufflait, et je me réveillai tôt le lendemain matin, frigorifiée. Je n'eus d'autre choix que de reprendre ma route pour me réchauffer, après avoir avalé les derniers vivres qui me restaient. Je marchais d'un bon pas, courbée pour résister au vent, ayant enfilé un pull et une paire de chaussettes en plus. Ma principale préoccupation était de réchauffer mes mains, car je n'avais pas de gants. Je les avais glissées sous les courroies de mon sac à dos, où chaque frottement les meurtrissait ; mais je préférais ça au gel. Je voulais absolument arriver chez moi avant la nuit, et, plus important encore, avant l'orage. Il ne fallait surtout pas que je sois sur la route quand il éclaterait.

Un peu après midi, j'aperçus au loin des éclairs, et le grondement du tonnerre me parvenait bien plus fort qu'auparavant. Deux heures plus tard, les éclairs illuminaient le ciel jusqu'au dessus de moi. Je me décidai à prendre un raccourci , qui me mènerait chez moi sans passer par le village. Je connaissais la montagne comme ma poche, et quittai la route sans inquiétude. Cependant, l'orage ne cessait de se rapprocher, et la foudre me menaça beaucoup plus tôt que je ne l'avais prévu. Je continuais de marcher, lentement, pour ne pas attirer d'éclair, me courbant le plus possible. Soudain, un coup de tonnerre me fit sursauter et je découvris un buisson en feu à une centaine de mètres de moi. Je réalisai alors l'erreur commise en ne voulant pas passer par le village. Au moins, j'y aurais été à l'abri. J'étais presque sur un plateau, et aucun rocher ne me protégerait. J'hésitais à continuer à marcher. Je levai la tête ; les nuages avaient pris des formes menaçantes ; l'un deux, gigantesque, était juste au-dessus de moi et ressemblait à un énorme dragon noir, aux yeux furieux et luisants. Je m'immobilisai, terrifiée.

Publié dans littérature, séries, Zoland

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