Zoland : chapitre 15

Publié le par Lou

De retour chez moi, je consultai le calendrier accroché au-dessus de mon bureau. Mon prochain rendez-vous avec Maz avait lieu le lendemain. Soulagée, je sortis mes affaires de mon sac, les posai bruyamment sur la table et me laissai tomber sur ma chaise roulante. Soudain, quelqu'un frappa à ma porte. C'était maman :

« Noèm ! Téléphone pour toi ! »

Elle entrouvrit la porte et me tendit le combiné ; je le plaquai sur mon oreille et entendis la voix de Maz :

« Allô, Noèm ?

— Oui, c'est moi. Ça va ?

— Écoute, il y a du nouveau.

— De mon côté aussi.

— J'étais dans le monde des humains tout à l'heure, et il est envahi de nuages noirs qui semblent répandre la mauvaise humeur partout. Les gens sont grincheux, contrariés en permanence, pas un n'y a échappé ! Et toi, que voulais-tu me dire ?

— Tu sais que c'était le jour de l’Éveil des Premiers aujourd'hui ?

— Oui, mais...

— On a eu cours d'éveil des pouvoirs, et mon pouvoir s'est de nouveau manifesté. Maintenant, le professeur veut me voir avec la directrice pour en parler, parce qu'elle dit qu'il est "très intéressant" !

— Tes parents sont au courant ?

— Non, je n'ai pas eu le temps de leur dire.

— Très bien. Dans ce cas, tu diras à ton professeur que tu as oublié de les prévenir et que tu ne peux pas venir au rendez-vous.

— D'accord...

— Quant à ce que se passe chez les humains, je vais contacter les autres Karums, je trouve ça inquiétant. Je te rappelle dès que j'en sais plus. »

Elle raccrocha aussitôt et me laissa à mes interrogations ; en plus de mes problèmes personnels, il fallait qu'un évènement suffisamment grave pour contacter les autres Karums eut lieu dans le monde des humains !

Je chassai ces pensées de mon esprit et me mis à mes devoirs ; puis je rejoignis ma famille pour le dîner, mais alors qu'un somptueux gâteau était apporté sur la table, le téléphone sonna de nouveau, et c'était encore Maz.

« Noèm, c'est toi ?

— Oui. Du nouveau ?

— Exact. Ce qu'il se passe chez les humains est vraiment, vraiment grave. »

Je déglutis et ne parvins pas à articuler de réponse.

« On doit se réunir ; je veux dire, les Karums.

— Quoi ? Mais je ne peux pas, je...

— J'ai trouvé un prétexte, mais il ne pourra servir que cette fois, et j'espère que tes parents seront d'accord. Tu pourrais me passer l'un d'eux ?

— Oui, je te passe ma mère. »

Ma mère saisit le combiné, et écouta la requête de Maz. Elle sembla contre, mais les arguments de la soi-disant étudiante en psychologie finirent par la convaincre. Elle raccrocha, puis s'adressa à moi :

« Noèm, ta psychologue souhaite que tu participes à une réunion avec d'autres Zos récemment arrivés du monde des humains. Je ne sais pas si rater les cours est la meilleure façon de s'intégrer, mais comme tu te débrouilles bien, j'ai accepté. Tu as rendez-vous demain à la bibliothèque. »

Je fus soulagée de pouvoir retrouver Maz, mais j'étais anxieuse à l'idée de rencontrer les deux autres Karums et d'apprendre ce qui se passait chez les humains.

Le lendemain, je partis pour la bibliothèque après le petit déjeuner. Je n'avais pas dormi de la nuit, et n'avais rien pu avaler tant j'avais la gorge serrée. Lorsque j'arrivai, j'empruntai la porte de service et me rendis dans les archives ; seule Maz était déjà là. Cela me rassura, j'aurais le temps de lu parler un peu avant de rencontrer les autres. Le regard qu'elle me lança en me voyant en disait long sur son anxiété, et, même si elle tentait toujours de prendre les choses en main et de paraître assurée, elle ne pouvait cacher sa peur.

« Ah, Noèm ! dit-elle en me voyant. Te voilà.

Elle avait l'air soulagé, comme si elle avait douté de ma venue. A côté d'elle était posée la cage avec le livre-hamster dormant paisiblement.

— Il faut que tu lui rendes son apparence de livre. Ton pouvoir s'est manifesté hier, c'est bon signe. »

J'étais terrorisée à l'idée de ne pas y parvenir, mais Maz semblait y croire. Je fixai le hamster endormi, sans qu'aucun picotement ne se fasse sentir. Maz essayait de garder un air convaincu, mais elle ne pouvait dissimuler sa déception. Des larmes me montèrent aux yeux, puis coulèrent le long de mes joues.

« Tu n'as aucune chance d'y arriver comme ça.

Son ton était cinglant, et je m'arrêtai de pleurer sous le coup de la surprise.

— Pour utiliser son pouvoir, tu ne dois laisser aucun doute te troubler ; c'est ton pouvoir, toi seule est capable de l'utiliser, tu dois y arriver et tu vas y arriver ! Fixe ce hamster pendant plusieurs minutes s'il le faut, mais sois sûre que tu y parviendras. »

Je pris une grande inspiration, fronçai les sourcils et regardai le petit animal. Je restai crispée ainsi, sans même respirer, puis me détendis enfin. Droite, le regard fixé sur le hamster, respirant profondément et plus déterminée que jamais, j'attendis. Les deux minutes qui suivirent me parurent durer des heures, mais je finis par ressentir de légers picotements, comme lors des autres apparitions de mon pouvoir. Ils disparurent un moment, mais je continuai à me concentrer jusqu'à ce qu'ils reviennent, et s'accentuent. Ils devinrent si forts que ma vision se brouilla, mais je crus voir le hamster changer de couleur avant que tout ne devienne noir.

« Noèm ! »

Mes paupières étaient lourdes, et je peinais à les ouvrir. Quand j'y parvins enfin, je voyais flou, et le visage de Maz était penché au-dessus de moi.

« Noèm ! Enfin ! Tu t'es évanouie après avoir réussi. Tu nous a fait peur, ça fait cinq minutes que tu es inconsciente !

Nous ? Qui nous ?

— Les autres Karums sont arrivés. Tu te sens de te lever ?

Oh non, les deux inconnus m'avaient vu évanouie alors que je changeais un pauvre hamster en livre ! Je rougis de honte et fermai les yeux avant de me redresser. J'étais assise au milieu de la salle des archives ; le livre était encore dans la cage du hamster, et trois personnes se tenaient autour de moi. La plus proche était Maz ; mais alors que je n'aurais pas dû connaître les deux autres, un visage m'était familier. Rejan ! Le talentueux grimpeur du club d'escalade ! C'était donc un Karum, lui aussi. Et pas n'importe lequel, l'un des Quatre ! Quant au troisième, il m'était inconnu. C'était un Zo plutôt âgé, et il en émanait une sorte d'aura de puissance qui m'impressionna.

Maz m'aida à me relever, et nous nous assîmes à une table. Rejan s'empara de l'imposant volume dans la cage et le posa au centre de la table. Maz le poussa vers moi.

« Pas le temps de lire tout le livre comme prévu, dit-elle, contente-toi de chercher des informations sur cette épidémie de tristesse chez les humains.

J'ouvris le volume d'une main tremblante. Races de Zos puissantes et méconnues était bien plus qu'une encyclopédie sur les Zos, je comprenais maintenant qu'il s'agissait du seul livre relatant l'histoire de notre peuple en son intégralité. J'étais à la fois soulagée d'être parvenue à lui rendre sa forme de livre, et effrayée à l'idée de ce que j'allais lire. Maz avait l'air de trouver les problèmes des humains bien inquiétants, et cela ne me rassurait pas. Je parcourus le sommaire en plissant les yeux pour distinguer les inscriptions. Certains titres étaient illisibles tant ils étaient couverts de poussière, et je dus épousseter la page avant de trouver un chapitre qui nous donnerait peut-être les informations que nous souhaitions.

                                                                                                                              A suivre...

Publié dans littérature, séries, Zoland

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