Zoland : chapitre 13

Publié le par Lou

Je me retournai une fois de plus dans mon lit. La perspective d’avoir perdu pour toujours le livre que m’avait confié Miamantasa m’empêchait de dormir. Dans la soirée, j’avais essayé de transformer quelques petits objets, sans succès. Je n’avais parlé de la découverte de mon pouvoir à personne ; s’il se manifestait de nouveau au collège, le lendemain, je feindrais de le découvrir.

Le lendemain matin, ce fut Liu qui me réveilla en criant à travers le rideau :

« Debout là-dedans ! Tu vas être en retard pour déjeuner ! »

Je répondis par un grognement endormi, mais me forçai à repousser ma couverture. J’entendais déjà les grincements de l’armoire de Liu qui choisissait ses habits.

Je posai un pied sur l’échelle de ma mezzanine. Le métal froid me donnait tout sauf l’envie d’y poser un deuxième pied. Cependant, ce n’était pas comme si j’avais le choix ; j’entamai ma lente descente, pied après pied, échelon après échelon, jusqu’à arriver sur le plancher. Je saisis sur mon étagère des habits propres, les enfilai en baillant, puis marchai jusqu’à la salle de bain. Je me passai un peu d’eau sur le visage, ce qui acheva de me réveiller, puis dévalai l’escalier derrière Liu. Réaz achevait son petit déjeuner, et notre père versait dans nos tasses un chocolat chaud qu’il avait décidé de préparer ce jour là, puisqu’il avait plus de temps que d’habitude. Nous arborâmes de grands sourires en entrant, ravis à l’idée de boire un de ces délicieux chocolats que notre père savait si bien faire. Quelques minutes après notre arrivée, Réaz déclara :

« Bon, eh bien il faut que j’y aille, moi, sans quoi je vais manquer mon bus ! »

Elle nous salua et sortit ; nous entendîmes les froissements de son manteau quand elle l’enfila, le bruit d’un sac qu’on mettait sur le dos, et le claquement de la porte d’entrée. Liu me demanda :

« Alors, prête pour l’interro de chimie ?

– Je crois, répondis-je. Personnellement, j’ai plutôt hâte d’être en cours d’éveil des pouvoirs, pas toi ?

– Oh, que si ! assura-t-il. Mais j’ai tellement bien révisé pour le contrôle de chimie que je suis impatient de m’y confronter. Il faudrait un cataclysme pour que je n’ai pas une bonne note ! »

Le plus impressionnant était que Liu avait raison. Quand il n’avait pas une excellente note, c’était que le contrôle était trop difficile et que le reste de la classe avait en-dessous de la moyenne.

Notre père regarda l’heure et nous incita à nous dépêcher un peu, si nous ne voulions pas rater le car de ramassage scolaire. À Zoland, tous les déplacements des collégiens étaient très bien organisés. Le matin, le car s’arrêtait à deux endroits dans chaque quartier de la ville, et emmenait tous les enfants au collège. L’après-midi, il déposait les élèves soit dans un des arrêts de leur quartier, soit près de là où ils pratiquaient une activité. J’adorais ce système qui permettait de faire tous les trajets avec nos amis.

Nous finîmes donc nos chocolats et sortîmes de la maison, puis nous marchâmes jusqu’à l’arrêt du car qui se situait au bout de notre rue. Lorsque le car arriva, j’aperçus Zélio et Trijuk, des amis de Liu, qui nous saluaient par la fenêtre. Nous montâmes et allâmes nous asseoir à leurs côtés. Ils avaient l’air très excité :

« Vous n’êtes pas au courant ? s’exclama Trijuk. Le cours d’éveil des pouvoirs d’aujourd’hui va être très spécial !

– Ça va être génial ! renchérit Zélio.

– Mais qu’aura-t-il de si extraordinaire ? demanda Liu, perplexe.

– Aujourd’hui, c’est le jour de… commença Zélio mystérieusement.

– L’ÉVEIL DES PREMIERS ! compléta Trijuk, survolté.

– Le… quoi ? fis-je sans comprendre.

– L’éveil des premiers ! répéta Zélio. »

Alors que j’allais demander ce dont il s’agissait, la conversation fut coupée par l’arrivée du car au collège.

« Ça tombe bien, c’est notre premier cours de la journée ! Vous allez voir ! »

Le car avait un peu de retard, et il était déjà l’heure de monter dans les salles. Nous entrâmes, avec Alae et Mòq, dans un des bâtiments, et montâmes au troisième étage, où s’alignaient les salles de classes. Liu avançait d’un pas sûr, et s’arrêta devant la porte de la salle 34C, où quelques élèves étaient déjà installés. Nous entrâmes et gagnâmes nos places. Je m’assis à côté d’Onoa, qui était raide sur son siège, les yeux fixés sur le tableau. Elle ne me salua même pas.

« Onoa ? dis-je doucement.

– Quoi ? répondit-elle sèchement.

– Ça… Ça va ?

– Oui ! fit-elle, d’un air presque agacé. »

Je n’avais jamais vu Onoa dans cet état, et je commençais à m’inquiéter. Notre professeur d’éveil des pouvoirs entra dans la salle, nous salua et nous dit de nous asseoir.

« Aujourd’hui est un cours spécial, comme certains d’entre vous le savent déjà. Nous sommes le jour de l’éveil des premiers. C’est le jour qui a été choisi pour fêter l’éveil des pouvoirs des premiers Zos, à l’origine de notre peuple. Évidemment, ce n’est pas la date réelle, car cela a eu lieu il y a trop longtemps, c’est une date choisie il y a maintenant trente-quatre ans pour célébrer cet événement. La tradition veut que, ce jour-là, les jeunes de votre âge essaient d’éveiller leurs pouvoirs. Une question, Mòq ?

– Oui, j’aimerais savoir pourquoi c’est si important alors que nous essayons d’éveiller nos pouvoirs à chacun de vos cours.

– Les essais que nous faisons en cours ne sont jamais très sérieux, à vrai dire. Je n’ai jamais vu un élève découvrir son pouvoir en classe, hormis en ce jour précis. Veuillez tous vous asseoir à votre aise pour pouvoir méditer ; installez-vous comme vous le voulez, sur les tables, les chaises, par terre... »

Je me mis en tailleur sur ma table, et jetai un coup d’oeil à Onoa. Celle-ci s’était allongée sur le dos à même le sol, mais je pouvais voir de là où j’étais qu’elle était très crispée. Je me demandais bien ce qui pouvait la stresser autant.

Nous fîmes alors quelques exercices de méditation, puis nous dûmes fixer un objet dans la pièce, ou nous concentrer sur une pensée qui nous venait à l’esprit. Comme je ne pensais à rien de bien intéressant, je posai mon regard sur la trousse de Trijuk qui était sur sa table. Au bout de quelques minutes, je sentis les picotements derrière les yeux qui revenaient. Soudain, Trijuk poussa un cri :

« Il y a un lézard dans ma trousse ! »

En effet, un de ses crayons s’était transformé en un petit animal vert qui gigotait dans tous les sens pour s’échapper de la trousse. Le professeur examina le reptile, puis nous demanda :

« Quelqu’un est-il responsable de ça ? »

Je levai timidement la main.

« Noèm ? Tu crois vraiment avoir découvert ton pouvoir ?

– Euh, oui, j'ai senti des picotements bizarres en regardant la trousse, et là, Trijuk a crié.

– Je vois... Viens me voir à la fin du cours, d'accord ? »

Notre professeur paraissait tendue, et sa voix tremblait étrangement.

Le cours se termina sans que personne ne découvre son pouvoir, et tous les élèves sortirent en direction de la salle 31C. Je rangeai mes affaires et m'approchai du bureau du professeur.

« Noèm ? Il faut que tu saches que ton pouvoir est... très intéressant. »

Je tressaillis. Aurait-elle entendu parler des Karums ?

« J'aimerais avoir une petite discussion avec toi, en présence de la directrice. Puis-je mettre un mot dans ton carnet à l'attention de tes parents, pour qu'ils t'autorisent à rester plus longtemps après les cours, un de ces jours ?

– D'accord. »

Je lui tendis mon carnet, en empêchant ma main de trembler. Il fallait que j'en parle à Maz au plus vite. Dans ma tête, les pensées se chamboulaient dans la panique ; quand avait lieu mon  prochain rendez-vous avec elle ? Comment gérer cet entretien avec la directrice ? 

Lorsqu'elle eut fini d'écrire, je rejoignis les autres dans la salle de mathématiques, le coeur encore battant. Qu'allait-il encore m'arriver ?

Publié dans littérature, séries, Zoland

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